L'intermiaou :

Tu savais à quoi t’attendre en adoptant Chester ?
“ Pas du tout. J’étais pleine de bonne volonté, mais mal informée. Je suis tombée sur un élevage sans voir les signaux d’alerte. Et quand j’ai commencé à éduquer Chester, j’ai fait tout ce qu’il ne fallait pas faire. ”
Et ton entourage, il t’a soutenue dans ce choix d’adopter ?
“ Oui ! Ma mère m’a même aidée à payer le chien. Tout semblait bien se mettre en place, sauf que je n’étais pas tout à fait prête. Et ça, personne ne pouvait le savoir à l’avance. ”
C’était quoi le moment où t’as basculé ?
“ Le jour où je me suis dit : ok, c’est pas à lui de changer. C’est à moi d’arrêter de vouloir qu’il soit un chien vitrine. Et de commencer à écouter ce qu’il me disait. ”
Tu dirais que c’est Chester qui t’a mise sur le chemin de l’éducation canine ?
“ Carrément. C’est lui qui m’a obligée à apprendre. Parce qu’il avait besoin de moi, mais pas de la moi que j’étais à l’époque. ”


Tu as toujours eu ce côté “résolution de problème” ?
“ Je crois que c’est Chester qui m’a appris à l’avoir. J’étais pas naturellement comme ça. Mais avec les chiens, t’es obligé de t’ajuster. Chaque cas est différent, et tu peux pas tout anticiper. ”
Tu dirais que ton approche aujourd’hui est construite sur quoi ?
Sur du vécu. Des erreurs, des lectures, des formations... mais surtout de l’expérience. Il faut “brasser du chien”, comme je dis. Voir plein de situations. C’est là que tu apprends.
À quel moment t’as commencé à remettre en question ce que t’avais appris ?
“ Je me suis rendue compte qu’il y avait des choses qui allaient pas à Chester.
Donc à chaque fois, j’étais en ajustement. Et j’ai fini par détricoter tout ce que j’avais cru comprendre sur l’éducation. Toute seule, petit à petit. Et c’est comme ça que j’ai commencé à construire ma propre façon de faire. ”
Donc à chaque fois, j’étais en ajustement. Et j’ai fini par détricoter tout ce que j’avais cru comprendre sur l’éducation. Toute seule, petit à petit. Et c’est comme ça que j’ai commencé à construire ma propre façon de faire. ”
Qu’est-ce qui t’a fait le plus fait progresser ?
“ Les échecs. Les fois où tu ressors en te disant : "J’ai merdé." Parce que ça t’oblige à revoir ton curseur. ”
C’est quoi le plus dur dans la relation avec les clients ?
“ Parfois, tu arrives dans la vie de quelqu’un qui n’est pas prêt à entendre autre chose. Tu pourrais aider le chien, mais chez l’humain, tu ne peux pas forcer un déclic. ”
Tu ressens parfois de la frustration ?
“ Oui, surtout quand je sais que je pourrais aider mais que je sens que le moment n’est pas bon. ”
Tu arrives Ă prendre du recul, maintenant ?
“ J’ai appris à poser mes limites. Avant, je voulais sauver tout le monde. Maintenant, je sais quand dire : "Là , ce n’est pas pour moi." Et c’est ok. ”
Tu dirais que tu fais aussi un peu de médiation humaine ?
“ Oui, parfois c’est même plus de l’accompagnement familial que de l’éducation canine. Surtout quand le chien devient le miroir de tensions qu’il n’a pas créées. ”


Comment tu as vécu sa disparition ?
“ Ça a laissé un vide énorme. J’ai réalisé à quel point toute ma vie tournait autour de lui. Mais je suis fière de l’avoir compris, vraiment compris. C’était un sacré boulot. ”
Et avec le recul, qu’est-ce que Chester t’a appris ?
“ À être une meilleure humaine. À prendre soin, vraiment soin, pas juste nourrir ou promener. À penser à la santé mentale d’un autre être vivant. ”
T’as eu un moment de bascule avec lui ?
“ Oui. Les derniers mois. J’ai arrêté de m’accrocher. De vouloir prouver. J’ai juste accompagné. Et bizarrement, c’est là qu’il allait le mieux. ”
Tu referais tout pareil ?
“ Non. J’aurais demandé de l’aide plus tôt. J’ai voulu être forte, gérer seule. Mais parfois, être fort, c’est demander de l’aide. ”
C’est quoi une réussite marquante pour toi ?
“ Une de mes toutes premières clientes ici. Elle n’osait plus sortir seule avec son chien. Aujourd’hui, elle va en balade dans les bois et c’est elle qui gère tout. Et elle en est fière. ”
Tu dirais que c’est ça, ton moteur aujourd’hui ?
“ Oui. Quand je vois quelqu’un retrouver de la liberté avec son chien, ça me touche. C’est pour ça que je fais ce métier. Pas pour qu’un chien s’assoie au bon moment, mais pour qu’un humain revive des moments simples avec lui. ”
Tu sens une différence entre avant et aujourd’hui dans la manière dont les gens vivent avec leur chien ?
“ Oui. Il y a de plus en plus de gens qui veulent bien faire, mais ils sont noyés d’infos. Je passe beaucoup de temps à désintoxiquer. ”
Tu te souviens d’un chien qui t’a vraiment marquée ?
“ Pendant un stage en refuge, j’ai promené une chienne qui avait été dressée pour le combat. Elle devait traverser tout le chenil, y avait des chiens partout qui l’excitaient, et elle restait hyper concentrée. C’était impressionnant. ”


Tu t’attendais à ce que ça prenne si vite ?
“ Pas du tout. J’avais cette idée en tête depuis ma formation, mais c’était juste un rêve. Et puis j’ai rencontré les bonnes personnes. On a foncé, même si c’était pas parfait. Aujourd’hui, on continue de faire évoluer le programme chaque année. ”
Et ça change quoi dans ta pratique d’éducatrice ?
“ C’est une autre façon de bosser. Plus humaine, plus sociale. Tu vois le chien comme un pont, un lien entre des mondes qui ne se croisent pas. C’est fort. ”
T’as toujours eu envie de bosser dans ce milieu ?
“ « Oui. C’est un milieu qui me touche. Et je voulais faire quelque chose d’utile, pas juste en parler. ”
Ça a été quoi le déclic pour lancer ce projet ?
“ J’avais cette idée depuis ma formation. Et puis j’ai rencontré une gradée de la police qui m’a proposé de venir à des réunions.
Grâce à elle, j’ai eu le contact de la directrice du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation), et le projet a commencé à se concrétiser.
Un peu plus tard, j’ai rencontré deux éducatrices avec qui on l’a vraiment construit. ”
Grâce à elle, j’ai eu le contact de la directrice du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation), et le projet a commencé à se concrétiser.
Un peu plus tard, j’ai rencontré deux éducatrices avec qui on l’a vraiment construit. ”
C’est un projet que tu voudrais développer ailleurs ?
“ Carrément. Il y a un potentiel énorme. Pour les chiens, pour les humains, pour la société. Il faut juste les bonnes personnes, les bonnes ouvertures. Mais j’y crois. ”
Tu l’as choisi comment, Carter ?
“ En vrai, c’est un peu lui qui m’a choisie. J’étais pas prête à reprendre un chien. Mais il était là , et j’ai senti qu’on avait quelque chose à faire ensemble. ”
Qu’est-ce que ça change, d’éduquer un chien après Chester ?
“ Je suis plus douce. Je mets moins d’attentes. Je laisse plus de place à l’erreur, à l’imperfection. Chester, je voulais qu’il soit parfait. Carter, je veux juste qu’il soit bien. ”
Qu’est-ce que tu découvres avec Carter que t’avais jamais vécu avec Chester ?
“ Il est vachement extraverti. Il me pousse à aller vers les autres. Avec Chester, la relation était plus intime, plus tournée vers nous deux. Carter me projette vers l’extérieur. C’est pas le même miroir.  ”
Et lui, il t’apporte quoi ?
“ Il me fait rire. Il me remet dehors. Il me rappelle que l’éducation, c’est pas juste un boulot. C’est un truc vivant, quotidien. C’est un binôme, en mouvement. ”
